Complément -Le Matobo

Le Matobo, vous connaissiez avant de voir L'interprète ? Et j'en vois déjà me répondre que ce pays n'existe pas, qu'ils n'ont rien trouvé en cherchant sur un Atlas, et -ô comble de l'information- sur Internet ...
Matobo, en plus c'est quoi ce nom ?! A tous les coups, c'est une blague.
Tss, tss, apprenez à me faire confiance enfin. Ou alors, je vais vous envoyer chercher le Kawthooley sur un Atlas...
Ben quoi, vous ne trouvez pas ? Oh mais ce n'est pas grave. Et puis ce n'est pas comme si cet état avait été crée en 1950 à la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande ; berceau du peuple Karen il n'est pas reconnu.
Si on peut trouver quelques informations, c'est en raison d'une amitié franco-karen et de missions de MSF dans cette région, ce qui n'est pas valable pour le Matobo ( eh ouais, tout le monde s'en tape du Matobo - et en fait on les comprend un peu...- )

Capitale : Maboto ( original hein ? )
Population : 545 000 personnes ( en 2003, je n'ai pas les chiffres de 2004 )
Superficie : 9 765 km² ( pour info le Swaziland qui est déjà minuscule a une superficie de 17 360 km² )
Système politique : République Fédérale.
Population majoritaire : Ku ( 45% de la population )
Population minoritaire :watsne ( 12% ), afrikaans ( 9% ), anglais ( 6% ), khatmou ( 6% ), ngébé ( 5% ), xheso du nord ( ouep, ils ont des noms bizarres hein ? ^^ 4,3 % ), xheso du sud ( 3,6% )...ensuite ça vire aux minorités pas négligeables mais très très petites donc je vous les épargne...
Langues coloniales : afrikaan, anglais.
Dialectes : Ku, et d'autres langues d'origine khoïsane ( qu'on retrouve en Afrique du Sud, comme le xegwi, le xiri ou le korana ).

Tout comme l'Afrique du Sud, le Matobo ( qui a des frontières communes avec le Swaziland, le Botswana par exemple...) fut colonisé par les Pays-Bas au cours du XVIIème siècle. Un certain nombre de colons, les Boers s'installent en Afrique du Sud en 1652 et c'est en 1664 que leur progression les conduit au Nord du pays qu'ils commencent à investir également. N'en déplaise aux intégristes, c'est à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes en 1685 que les Protestants Français s'installent en Afrique du Sud et les affrontements qui en résultent accentuent l'exode de certains Boers vers le Matobo.

Par la suite, au XVIIIème siècle les colons hollandais se heurtent aux britanniques qui espèrent, entre autres choses évangéliser les populations, mais bon mon sujet c'est pas l'Afrique du Sud, celle-là est partout sur google.

Ainsi, le Matobo devient la terre d'asile des Boers qui fuient la progression anglaise, au détriment des populations locales. Y-a-t-il rien de plus banal ? Si l'anglais devient la deuxième langue officielle du pays en 1772, elle n'est pas la plus parlée.
Finalement, les Kus, et d'une manière générale les populations khoïsanes, ne peuvent pas lutter face à la vague blanche. Ils sont relégués dans les campagnes reculées à cultiver ce qui peut l'être, mais ne cessent jamais la guérilla avec les moyens du bord ( la machette est un instrument plus redoutable qu'on ne le croit ). Cela a pour conséquence le fait que les Boers ne s'engagent pas sur les pistes défoncées éloignées de leurs fermes en raison du risque, croissant avec l'armement progressif des Kus.

Toutefois, la diplomatie africaine est toujours problématique. Ici, en l'occurrence, la lutte se situe entre puissances coloniales. Fatalement, les Britanniques veulent asseoir leur suprématie sur le sud de l'Afrique. C'est pourquoi ils ont besoin, malgré les accords officiels, de s'allier les résistants aux néerlandais en leur promettant une autonomie plus importante et surtout des armes à feu.

En 1843, les Boers et les Britanniques se réunissent à Mtbané, à 50kms ( de piste défoncée ) au Sud-Est de la capitale pour signer les accords du même nom, stipulant la cessation des hostilités. Les Britanniques renoncent à entrer en terrain Matobéen tandis que les Boers acceptent l'abolition de l'esclavage décidée dix ans plus tôt par les rostbifs.

A la fin du XIXème siècle, les Guerres des Boers déchirent l'Afrique du Sud. Nos amis les Boers en vêtements aux couleurs kaki sont avantagés face aux britanniques en rouge. Eh oui, on les repère facilement.

Dans le Matobo voisin, la guerre civile fait rage. Inévitablement les Kus, conscients qu'ils peuvent profiter de la situation attaquent les fermes Boers. Sol Ntobo, d'origine Ku, dirige la rébellion et réussit à unifier les différentes ethnies face à un ennemi blanc commun. Par ses méthodes tel le refus de tuer les femmes et les enfants, il fait figure d'ovni mais d'ovni organisé et ses actions méthodiques ont bien failli conduire à la victoire des noirs.
Et malheureusement ce leader charismatique ( bah il lutte contre les colons donc il m'est d'emblée sympathique ) est tué par Joseph Van Diem le 12 août 1895 lors de l'attaque de Natal Hill, chef lieu du pouvoir néerlandais et la rébellion perd son chef et sa confiance.

Natal Hill marque une date capitale dans la mesure où les peuples khoïsanes ne parviennent pas à retrouver un leader convenable et aussi méthodique que Sol. Sol, mon idoooooole ( hmmm pardon )! En effet, les ethnies se déchirent pour nommer un nouveau chef, et l'équilibre précaire des forces se rompt jusqu'à la fin des hostilités en 1903, après la rédition de Kwe Mabega, originaire du Xhéso du Sud, la minorité la moins importante.

Pffff, je conçois que tout cela peut paraître compliqué mais en réalité cela s'explique facilement. Alors, respirez calmement ! Sol Ntobo appartenait à la majorité, tandis que Kwe doit faire face aux rivalités ethniques très importantes en raison de la répartition des territoires encore libres de toute annexion blanche. Dorénavant, on notera le massacre de Jaalvin, ancien hameau boer, récupéré sous Sol Ntobo. En effet, les Khatmous y tuent 146 Ngébés, ce qui conduit à des conflits inter-ethniques extrêmement violents ( qui feront 8 764 morts ).

Comme prévu, les noirs sont les grands perdants de la fin de la lutte puisque leur territoire se retrouve réduit de 13% au profit des européens.

Rien ne peut cependant détruire la guérilla et les Boers vivent constamment l'arme à la main, sans savoir d'où viendra le danger ( les enfants noirs sont très sollicités pour des assassinats politiques en raison de leur apparent pacifisme - comme si les gosses étaient des anges... - ).
Il faut savoir que la Guerre civile a fait 43 675 morts côté Boer ( dont 32 487 enfants, c'est-à-dire 13 % de la population boer de l'époque ) et 68 324 morts côté noir ( soit 22% de la population noire ).

Risquant le tout pour le tout les enfants trop jeunes pour être engagés dans les Guerres Mondiales qui déchirent l'Europe et mettent l'Afrique en veilleuse, jurent de venger leurs aînés et de récupérer leurs terres.
Et l'indépendance du Matobo le 18 février 1967 conduit à de nouveaux conflits. Décidément, l'ancienne alliance de Sol Ntobo est loin, et les noirs n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'élection d'un président. Evidemment, les Kus, représentant la majorité estiment que le pouvoir leur revient de droit, et le MRD ( mouvement pour un renouveau démocratique crée en 1968 ) prospulse...er propulse Toma Kirchner, âgé de 33 ans, au pouvoir ( les origines Boer de ce nouveau leader ne font aucun doute ^^ ), contre l'avis des minorités.

S'étant débarrassées des Kus, les ethnies s'unissent provisoirement dans la RDS ( Résistance démocratique socialiste ) qui sème la terreur dans tout le pays par des assassinats visant aussi bien les Boers que les Kus, sans distinction d'âge et de sexe, et sans réelle motivation politique. Si, de son côté le gouvernement officiel n'hésite pas à massacrer des villages entiers en représailles, il n'est pas sûr pour autant. Un organisme, l'Inter Africa Network for Human Rights a signalé à plusieurs reprises la dérive dictatoriale du Matobo ( Toma Kirchner, à 71 ans est toujours "président" mais son pouvoir est grandement menacé par Samuel Wolter, qui ne rêve que de le faire tomber par terre ).
Stabilité précaire donc dans ce micro-état ignoré, comme le souligne le film, bien que les noms soient complètement fictifs.

Et à l'issue de cet article, j'imagine que certains pourraient se poser des question sur ce pays. N'était-il pas situé dans l'Afrique Subsaharienne d'après le film ? Facile donc de me demander pourquoi je vous amène carrément dans la sub-subsaharienne...Il faut croire que les Américains ont vraiment un problème avec la géographie. ^^

Nous évoquerons plus tard la langue Ku...;)

Eh ben, ma chère, tu bosses dur...En plus sur un sujet comme ça...

C'est con tu n'as même pas mis la biblio pour qu'on sache plus de trucs sur le Matobo/Maboto...

Et puis quel pays chiant, vraiment il existerait pas ça serait pas un problème je crois ...
Cependant je pense quand même que l'histoire de ce pays a une importance pour notre intellect...Si si...Ma phrase veut dire quelque chose, elle n'est pas codée comme un code barre...Enfin j'espère...

Bref juste pour dire qu'on comprend mieux l'Interprète et les choix américains dans l'histoire du pays, et cela grâce à ..TOI!

Au-fait-rien-à-voir, tu fais quand un article sur Enigma, la machine de codage pendant la 2ème guerre mondiale? Hein?

on ne le dira jamais assez, la situation politique en Afrique est vraiment trop compliquée...
Mais il est important de se culturer et c'est pas souvent qu'un film américain braque ses projecteurs sur une minorité ( quoi, Hotel Rwanda? Oui, bah c'est rare les requins!)
Bref, bravo Miranda pour ce résumé très complet, j'ai pas tout compris mais ça me rassure sur le fait que j'avais pas compris non plus la fois où j'avais lu un article sur Samuel Wolter. Je ne suis donc pas aussi candide que je le pensais (quoique...)
A noter aussi que le personnage de Nicole Kidman est totalement fictif, puisque le Matobo n'est pas représenté à l'ONU!! En fait, c'est amusant de voir qu'ils ont quand même mélangé des éléments de fiction à la réalité politique (histoire de la décompliquer?) -> c'est français ce verbe?