Il y a de cela quelques années, mon frère et moi commentions les programmes à la télévision. Sur arte devait passer un documentaire sur les Tchouktches. Forcément mon frère ne m'avait pas crue, et nous voilà plaisantant gaiement et stupidement sur le nom de ce peuple. Mon père, par le bruit attiré, nous rejoignit dans la chambre.
-Hey, hey, sur arte y a un documentaire sur les Tchouktches mwahahahahahahaha. (rire gras)
Mais le pater familias resta impassible.
-Bah oui, et alors ?Gros blanc. Echange incrédule de regard.
-Tu connais les Tchouktches ?
-Oui, c'est un peuple qui vit à l'extrême Nord-Est de la Sibérie, et qui est annexé par les Russes.Regard sur le programme télé. Confirmation.
Bah ça nous avait calmés. N'empêche que le délire sur les Tchouktches s'est prolongé, comme vous avez pu le constater.
Il est donc temps pour moi, particulièrement en cette saison hivernale d'écrire, ou de tenter d'écrire un article qui vous présenterait rapidement (très rapidement) ce petit peuple qui n'avait rien demandé à personne.
Les Tchouktches s'appelaient eux-mêmes les lyg'oravetlyat (les vrais hommes). On retrouve ici une utilisation du langage déjà présente chez d'autres peuples : ainsi les Inuit dont le nom signifie également "homme" (ou encore les anglo-saxons qui désignent le langage, la nation et plein d'autres choses par le même mot, ðeod et...hmmm pardon...mais fallait bien que je le mentionne hein ^^). La population vit évidemment dans des conditions climatiques qu'on considère comme "dures", la température moyenne de la région étant d'environ moins douze degrés celsius, dans un environnement de toundra et de forêts (la température étant une moyenne, autant dire qu'elle descend souvent bien en-dessous de ça...)
Leur langue est le tchouktche/kamtchatkan du groupe paléosibérien, auquel appartient également l'esquimau, dont mes amis sont très proches culturellement.
Le peuple Tchouktche, vivant en Tchoukotka, atteint environ les 15 000 âmes (sans compter les âmes assassinées bien sûr) et se divise en deux catégories : les éleveurs, dont l'occupation principale est l'élevage (eh oui !) de rennes avec lesquels ils se déplacent et qui leur servent également de nourriture (pauvre Rudolph !).
Le peuple maritime est moins nomade, et se nourrit essentiellement des recettes de sa pêche de mammifères marins, tels que la baleine naturellement, ce qui me le rend sympathique, le morse et le phoque.
Bien évidemment, il arrivait aux deux groupes de se croiser, afin de mêler mangeage de Rudolph et trucidage de Valfie, er de baleine voulais-je dire car enfin, on peut tout aussi bien aimer les rennes et détester les baleines en même temps, n'est-ce pas ?
L'organisation de la société est évidemment très différente de la nôtre : pas de chef à proprement parler, bien que certaines personnes soient plus autoritaires que d'autres, ou certaines plus riches que d'autres (les richesses étant le nombre de rennes -les restes de l'estomac ne comptent pas- ou le nombre de bateaux). Les décisions se prennent par suggestion et vote. En cas de trucidage d'humains, histoire de varier les plaisirs, la justice consiste en la vengeance (niark niark) ou l'acceptation d'un paiement en échange de la personne trucidationnée.
Le Tchouktche ne s'embarrasse pas avec le mariage, chacun étant plus ou moins libre d'épouser qui il veut, dans la limite des stocks disponibles et à condition tout de même que le stock ne soit pas trop près de lui dans l'arbre généalogique. Les divorces se font à l'amiable, à la demande de la femme ou du mari, peutimporte.
Le rituel du jeune renne est très important dans la communauté. Il dure plusieurs jours. Un feu est allumé avant d'être jeté sur un troupeau de rennes (je vous épargne la fabrication du yahourt avec du lait de renne récupéré à la bouche, oui, oui, avant d'être recraché dans des outres et bouilli pour former le yahourt qu'on mange ensuite...ah bah finalement je vous ai pas épargnés).
Bref tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles quand évidemment, le monde "moderne" s'en mêla (décidément, un jour je m'occuperai de lui, tiens). Ainsi, aux alentours du XVIème siècle, au moment où les espagnols détruisaient mes amis indiens d'amérique, les Russes (que j'ai pourtant toujours aimés) débarquaient chez les Tchouktches.
Leur nom original lyg'oravetlyat est russifié en Luoravetlan. Les armes à feu sont introduites bouleversant les méthodes de chasse traditionnelles et évidemment, les populations sont contraintes petit à petit d'abandonner leur mode de vie nomade. Les troupeaux de rennes sont collectivisés (ah ces communistes décidément !) et les clans sont divisés en brigades avec des chefs de brigades
Jusqu'en 1937 le Tchouktche était transcrit en alphabet latin avant que l'alphabet cyrillique le supplante. Les mouvements de population dans les années 50 ont petit à petit imposé le russe comme langage. Ainsi le peuple perd peu à peu son identité : mode de vie bafoué, dégâts de l'alcool (comme dans certaines réserves indiennes d'Amérique), chômage d'un peuple qui vivait uniquement de ses ressources, restriction de la pêche et de la chasse etc., etc., sont autant d'exemples de ce qui détruit petit à petit toute une culture autrefois en phase avec elle-même (bon y avait sûrement des défauts hein, mais on ne peut pas dire que ce peuple passionne alors difficile de trouver des informations).
Quand les russes se sont imposés dans la région, les enfants tchouktches se retrouvaient à aller dans des écoles russes où ils apprenaient cette dernière langue plutôt que la leur. D'où des petits soucis de compréhension entre générations, particulièrement quand les russes ont fini par partir avec l'effondrement de l'URSS.
Voilà, fin de cette rapide présentation d'un peuple qui gagnerait (sûrement) à être connu.
(Pour information, bonjour se dit "etti")
Sinon, il semblerait que les Tchouktches soient pour les Russes l'équivalent des Belges pour nous...
Jugez plutôt (j'avoue ne pas tout comprendre...).